Togliatti (Ercoli)

Intervento alla seduta della Commissione italiana
del Segretariato latino

31 dicembre 1935

Da Aldo Agosti, op.cit., pp. 161-171. Come specifica una nota del curatore, il testo tratto dagli archivi russi (RCChDNI) è un dattiloscritto in francese. La Commissione italiana del Segretariato latino svolse i propri lavori tra il 26 e il 31 dicembre 1935. Nella quarta (ed ultima) seduta della commissione in­tervennero, oltre a Togliatti, Luigi Longo (Gallo), Hermann e Manuil'skij.


  Ercoli: Je crois que les exposés des camarades ont donné un tableau assez exact de la situation du parti et un tableau assez exact de l'orien­tation de notre parti. Ils ont montré une série de côtés positifs, de cho­ses favorables, mais aussi une série de lacunes, d'insuffisances et quel­ques faiblesses dans le travail du parti. Je crois que ma tâche n'est pas de parler des choses positives mais je voudrais très rapidement souli­gner quelques faiblesses qui me sont apparues et aussi m'arrêter sur un ou deux points avec lesquels je ne suis pas complètement d'accord en ce qui concerne tout ce que les camarades ont dit. Premièrement en ce qui concerne l'orientation générale du Bureau politique depuis le com­mencement de la guerre [1], je crois qu'ici il y a eu une certaine orienta­tion qui n'était pas tout à fait bonne dès le premier moment. La ligne générale donnée était juste mais quelle a été l'orientation du Bureau politique dès le déclenchement de la guerre? Nous devons maintenant poser le problème de la succession au fascisme. Si nous prenons les procès verbaux du Bureau politique après le VIIe Congrès mondial quelle est la première intervention du camarade Gallo? Il a demandé qu'on oriente la discussion sur ce problème de la succession au fasci­sme; qui viendra après Mussolini? Orienté sur cette voie le Bureau politique devait laisser un peu de côté les vrais problèmes de la situa­tion. Cette orientation s'est réfletée dans une série de manifestations du parti, même dans les manifestations publiques du parti. Prenez le con­grès de Bruxelles qui est un succcès, je ferais un peu de critique, mais si nous prenons l'intervention principale, il y a beaucoup de choses positives, cependant la pointe politique de cette intervention était: c'était que nous sommes prêts comme parti politique à participer à un gouvernement de front populaire. La question ne se pose pas aujourd'hui. On dit: ce n'est pas le problème d'aujourd'hui, etc. Ce n'est pas la chose politique actuelle.

   Manouilski: C'est absolument juste.

   Le congrès de Bruxelles a été un succès mais je crois que si nos cama­rades n'avaient pas eu certaines tendances à dévier vers ce problème de la succession ils auraient pu résoudre le problème de mobiliser les italiens à l'étranger tandis qu'on est parti un peu de la définition des démocrates au congrès de Bruxelles: congrès de tout le peuple italien. Nous ne devons pas nous faire d'illusions, tout le peuple italien ne marche pas selon l'orientation du congrès de Bruxelles; tout le peuple italien n'est pas sur la voie de la cessation de la guerre.

   Gallo a dit des choses très intéressantes ce matin, mais si nous exa­minons ce que les fascistes ont fait en Amérique dans les centres prin­cipaux de l'émigration italienne - après la France c'est l'Amérique qui englobe le plus grande nombre d'émigrés - nous n'arrivons pas à arra­cher les masses à l'influence des fascistes, et l'on a considéré le problè­me comme étant déjà résolu alors qu'il ne l'est pas.

   Prenons la proclamation lancé par le parti un peu après la guerre. Il y a dedans des choses, des choses populaires, bonnes en ce qui concer­ne la lutte dans le parti fasciste. Mais quand on arrive aux problèmes politiques. Quelle est la position de la proclamation: Le gouvernement de Mussolini devra être renversé. Mais le gouvernement ne donnera pas à la classe ouvrière le pain, la liberté, ce ne sera pas un gouverne­ment. Mais le gouvernement de Mussolini subsiste encore, et la tâche qui se pose est comment allons-nous renverser Mussolini. Mais il faut voir que Mussolini n'est pas le plus faible dans la dictature. Mussolini c'est l'axe dans la dictature. Cette orientation c'est la conséquence de ce que les camarades écrivent, les camarades qui réalisent la politique. Voilà un article dans la "Correspondance Internationale": Nous devons concentrer le feu contre la manœuvre de la bourgeoisie pour éliminer Mussolini, contre une telle manœuvre qui ne ferait qu'aggraver la crise. Les communistes et les antifascistes doivent, dès maintenant, être prêts. Cela vient que l'orientation est complètement fausse. Furini m'a immédiatement écrit. Mais d'où vient cette orientation? D'un défaut d'orientation dans le Bureau. Au Comité central, le premier rapport: Nous allons voir quelle est la manœuvre, d'où vient-elle, comment la bourgeoisie éliminera Mussolini; et l'autre problème comment mobili­ser les masses pour la lutte contre la guerre, concrètement? Ce problè­me vient en deuxième ligne. Le même rapport fut publié dans le "Stato Operaio", mais il a été corrigé. On voit encore clairement que les camarades se sont occupés de quel gouvernement viendrait après celui de Mussolini et comment allions-nous parer le danger pour la classe ouvrière. Si on prend le rapport du Comité central, mon impression, et je l'ai fait lire à d'autres camarades, c'est que les tâches concrètes actuelles pour chaque communiste ne se résolvent pas d'une façon claire, que le camarade inexpérimenté qui l'entendra se dira que dois-je faire.

   Dans la discussion on a corrigé cette question mais on n'a pas approfondi ce problème et je crois qu'il y a un défaut dans l'orienta­tion du BP. Quelle en est la source? Je crois qu'il y a un certain degré d'éloignement du centre directeur. Si je prends les procès verbaux du BP dans les derniers temps, les questions extérieures sont en diminu­tion, dans les rapports sur les questions telles que l'organisation du front unique à l'étranger, je constate la même chose au Bureau politi­que et au Secrétariat. Autrefois on avait pris l'habitude de discuter de soi-disant plans de travail de tel groupe de travail à l'intérieur et ainsi sur cette voie en arrivait à poser tous les problèmes de l'intérieur. On a dit que c'était une chose abstraite, mais au lieu de tenir des discussions sur des problèmes concrets on a tout rejeté et ces choses sont assez rarement discutés. Je crois qu'il faudrait étudier les problèmes. Il fau­drait que dans le BP tout d'abord se pose la question du travail de base du parti en liaison avec le problème de l'utilisation des cadres. D'où cela provient-il? Je crois qu'il faut voir deux questions. Les rapports avec les partis émigrés, c'est-à-dire notre politique de front unique et notre appréciation de la politique dans le pays.

   Je vais dire rapidement quelque chose sur le problème du front uni­que. Nous avons le pacte, nous sommes d'accord que la conclusion du pacte est un succès. On a bien fait de conclure le pacte, mais qu'est-ce que le pacte avec les socialistes? Politiquement il nous a donné la liqui­dation de la concentration, c'est-à-dire qu'il a donné un résultat positif à toute la lutte que nous avons menée contre les blocs réactionnaires de droite qui existaient dans l'émigration. Mais qu'est-ce qu'il nous a donné ce pacte? Il nous a donné beaucoup de chose pour la mobilisa­tion des masses à l'étranger, ces succès sont connus, tous les camarades les ont montrés. Qu'est-ce que le pacte nous a donné dans le pays? Très peu, j'ai toujours lu avec intention les matériaux. Concrètement nous pouvons parler au nom du front unique. Nous pouvons dire que le front unique existe mais pratiquement combien d'ouvriers socialistes sont entrés en rapport avec nous, ont travaillé avec nous sur la base du pacte. Prenez l'exemple de Milan. Un ouvrier socialiste est tué par les fascistes au moment où il prend ... est-ce que cette organisation était connue par nous? Les socialistes auraient été obligés alors de nous donner la possibilité de collaborer avec eux sur la base de ce fait. Ils sont moins que nous, ils sont un groupe restreint mais ce qu'ils ont ils ne veulent pas le donner parce qu'ils craignent le front unique, le déve­loppement de l'activité de notre parti dans le pays.

   Au point de vue politique qu'avons nous donné aux socialistes? Beaucoup. Nous avons presque complètement arrêté pendant un an après la conclusion du pacte notre polémique contre les socialistes et c'est là un des points faibles, tandis que les socialistes continuent sans scrupules leurs polémiques. Ils évitent maintenant leurs insolence mais ils continuent la polémique. C'est seulement après le pacte que Modiglio qui auparavant n'osait plus écrire pour défendre la vieille politique opportuniste du parti socialiste a de nouveau écrit en défen­dant cette politique et nous n'avons pas répondu. Nous répondons comme les camarades du parti français, mais nous n'avons pas du tout ce que les camarades du parti français ont. Mon opinion c'est que notre polémique doit être développée davantage contre le parti sociali­ste.

   Par exemple tout dernièrement, les socialistes écrivent sur l'affaire de P ... , cet anarchiste qui était ici, un article vraiment abominable dans lequel le Camarade M ... .

   Qui des deux avait dit la vérité. Comment nos camarades peuvent répondre en deux lignes en bas d'un article: Nous espérons que le camarade ... - le socialiste - va se convaincre qu'il a tort, et je crois que nous n'avons rien à perdre à continuer la polémique avec le parti socialiste. Une autre question posée par C ... et sur laquelle je fais des réserves. Devons-nous voir la ligne vers la position du parti socialiste.

   Manouilski: Absolument juste.

   Avant tout, une observation politique générale. Le Parti socialiste français avant le front unique a chassé sa droite, le Parti socialiste ita­lien a chassé sa gauche. Le parti maximaliste a chassé sa gauche. Il faut tenir compte que le parti socialiste est un parti dans lequel les éléments de droite, M ... , ont encore une grande influence et la différenciation n'est pas tellement accentuée pour que nous puissions aller vers le front unique.

   Les socialistes se préparent à sortir une plateforme. J'ai vu que dans le Bureau il y a quelque peu la panique. C'est la troisième plateforme et nous allons la discuter. Nous allons montrer toutes les erreurs, toute votre fausse orientation que vous êtes en train de nous présenter, votre marche réformiste, avec un masque quelconque.

   Quel est le problème fondamental? C'est que le front unique n'exi­ste pas encore dans le pays. Et c'est la condition fondamentale, com­ment le problème est posé par nos camarades.

   Le Camarade Gallo me permettra une critique personnelle. Dans son discours fait au Comité central. Nous allons poser la question du parti unique. J'en viens aux autres questions posées par le camarade Dimitrov. Les conditions posées par le camarade Dimitrov sont cinq. Il en manque une. Laquelle? Sur le front unique. C'est justement la con­dition principale pour nous. Oui nous sommes pour la dictature, pour les Soviets, mais ils verront par les formules quel est le plus à droite, le plus à gauche, le travail, la lutte, pour le front unique, contre le fasci­sme. Cela n'existe pas encore et nous pouvons enlever cette condition. Maintenant le front unique existe, et, maintenant, allons discuter de l'unité. Je n'ai pas vu que le Bureau ait posé le problème du parti uni­que comme le problème fondamental. Il faut avertir les camarades. Est-ce que telle ligne peut porter le parti à s'engager dans une voie fausse.

   De même en ce qui concerne le Front populaire. Je suis complète­ment d'accord qu'on ait cherché en passant par dessus le parti sociali­ste la liaison avec Liberta, Ju ... . Mais je crois qu'il faut tenir compte que J ... et Liberta c'est un groupe d'émigrés coupé du pays. Leur liai­son dans les usines à Turin et ailleurs n'existe plus aujourd'hui et toute leur agitation et leur propagande montrent qu'ils ne comprennent pas du tout ce qui se passe. Alors, pourquoi faire des concessions sur le terrain idéologique et nous avions la déclaration que nous leur avions écrite pour arriver à un accord (qu'ils ont repoussé). Quand on pose le problème on fait des concessions trop grandes, eux sont pour les actes terroristes et nous mettons des formules dans lesquelles la différence disparaît: «Nous ne repoussons pas l'unité de petits noyaux etc.». Au lieu de dire, nous voulons la lutte des masses contre le fascisme etc. Il y a de trop grandes concessions pour L. J. Je crois qu'envers ces groupes notre parti doit mener une polémique sur le terrain idéologique et politique et que tout le travail pour la réalisation du front unique et du front populaire doit être réalisé vers le pays.

   Ici, j'arrive au deuxième problème: sur la situation dans le pays. Je suis d'accord les camarades nous ont donné assez de renseignements pour pouvoir juger qu'il y a un grand mécontentement dans la popula­tion, mécontentement assez répandu mais je ne crois pas cependant qu'il soit arrivé à un tel point qu'on puisse dire que dans toutes les couches de la population se pose maintenant le problème: comment allons nous nous libérer de Mussolini et de son gouvernement. Je crois que l'influence du fascisme est encore assez grande à mon avis si l'on considère ce qui est arrivé au mois d'Octobre on constate que le fasci­sme a commencé sa guerre sans faire aucune manœuvre politique. Vous savez qu'en 1914 tous les gouvernements en commençant la guer­re on fait une manœuvre politique: Union de la nation, union sacrée... le fascisme a commencé sa guerre sans faire cela, c'est un point à son actif qui montre qu'il a encore une grande influence dans la masse.

   Mécontentement? Oui, mais pas encore de forme politique de mécontentement. Pourquoi? Parce que le fascisme italien cherche à utiliser le sentiment national qui existe dans les grandes masses de la population. Nous devons faire attention et Gallo a dit quelque chose d'intéressant mais qui a-t-il de nouveau dans la situation italienne? Des possibilités de travail, de commencer une agitation pour certaines revendications, l'élargissement de cette agitation, possibilités qui n'exi­staient pas auparavant. Ce que les camarades qui ont travaillé à Turin ont fait c'est quelque chose de nouveau. Auparavant aussi nos camara­des avaient pris la liaison avec différentes usines, mais ils avaient toujours trouvé une très grande résistance, tandis qu'aujourd'hui il exi­ste des possibilités de travailler avec les ouvriers, de leur poser des pro­blèmes de les mobiliser pour une certaine lutte. Ce que le camarade Bataglia [sic] nous a donné montre qu'il y a de nouvelles possibilités, que ces possibilités ont augmenté avec la continuation de la guerre.

   Quelle est la perspective de la guerre en Afrique, je vais seulement dire deux mots sur ce problème.

   Le fait caractéristique est celui-ci. Mussolini a commencé sa guerre parce qu'il prévoyait une guerre rapide et victorieuse. Il croyait régler la question en deux mois et ne pas en arriver là. Quel est le but qu'il se pose maintenant. Il doit faire à tout prix des succès militaires. Mais il faut dire que depuis le commencement de novembre, prévoyant, le fascisme a augmenté énormément le nombre des soldats, 300.000 sol­dats sur le front nord. C'est une armée formidable pour la guerre colo­niale. Les conditions de terrain sont telles qu'ils se créent des condi­tions. Il n'y a qu'une route qui va jusqu'à M ... . Les mouvements de cette masse sont très lents, tandis que les forces de l'ennemi sont très mobiles. Que vont-ils faire? Augmenter le nombre de soldats parce que c'est la seule chose qu'ils peuvent faire pour éviter des défaites. Cela va donc accentuer les contradictions là-bas et amener des diffi­cultés diverses à l'intérieur du pays. Mais cette contradiction n'éclatera dans le pays, dans l'armée que dans la mesure du possible, c'est mobi­liser les masses pour des questions immédiates. C'est déjà intéressant de voir que tous les correspondants anglais écrivent que les soldats marchent pour dire de marcher, ils veulent avoir à leur disposition des tanks. Mais voici la disposition du front. Il y a en première ligne, les Erythréens, en deuxième, les soldats, en troisième, les fascistes. Ceci est une mesure pour freiner les révolte des soldats. Ce qui va décider c'est l'état d'esprit des masses et des soldats, et du degré arrivera le mécontentement, la forme et l'ampleur que prendront les luttes dans le pays et dans l'armée. Ici se pose le problème de notre défaitisme. Nous sommes défaitistes, mais de quel caractère?

   Je crois que nous devons tenir compte du sentiment national, d'ail­leurs, que le fascisme exploite, pour nous présenter comme les servi­teurs de l'étranger et pour renforcer son front.

   Quel caractère doit prendre notre défaitisme? Nous devons partir des plus petites raisons de mécontentement. Ici il y a également une faiblesse du parti. Il faut étudier de façon beaucoup plus profonde la politique de guerre du fascisme, prévoir certaines choses et donner des mots d'ordre partiels limités pour répondre aux différentes actions du fascisme. Par exemple nous n'avons pas donné de mot d'ordre pour l'or. C'était assez facile: ce sont les riches qui doivent donner l'or et pas les pauvres. C'est un mot d'ordre qui peut être populaire. Quand on prend les alliances on peut trouver comme mot d'ordre: payez-moi au moins la moitié du prix de cette alliance. Il faut suivre pas à pas la poli­tique du fascisme et la situation à l'intérieur ainsi que ses différentes revendications à l'usine, à la campagne qui doivent être liées à certains points fondamentaux qui sont déjà dans la ligne du parti. Nous allons à la catastrophe, nous voulons l'éviter. Nous voulons en finir avec la guerre, il faut retirer les troupes de l'Afrique, chasser du pouvoir les responsables de la guerre, concentrer le feu contre Mussolini. Mais Mussolini est encore un élément de cohésion, en con­centrant le feu contre lui il faut montrer ses fautes, montrer quelle est sa politique au jour le jour, c'est indispensable pour arriver à faire de Mussolini l'élément le plus faible du régime.

   En ce qui concerne la défaite, nous disons que nous voulons la défai­te. C'est vrai, nous voulons le retrait des troupes, la fin des hostilités, en finir avec la guerre. Pourquoi? Parce que c'est le moindre mal pour nous, pour empêcher une catastrophe beaucoup plus grande qui nous menace; il me semble que c'est cette ligne que doit suivre notre parti.

   Et dans toute cette agitation, cette activité du parti, où concentrer le feu? Ici, je crois que les camarades ont justement posé le problème. Il faut le concentrer dans les masses dans les organisations fascistes, dans les cadres fascistes. J'ai parlé longuement avec les camarades qui m'ont dit: dans une usine il y a 80% de fascistes passifs, qui ont la carte du parti, et 15% de cadre actifs. Où devons-nous concentrer le feu? Dans le 15% ce sont les éléments politiquement plus actifs, c'est parmi eux que nous devons réussir à semer le doute sur la politique du fascisme et les porter sur le terrain d'une résistance organisée par suite du mécontentement. Mais ce n'est pas là encore le problème de la suc­cession et je crois que le problème de la succesion n'est pas encore celui d'aujourd'hui. Je crois que le problème actuel, c'est de dévelop­per le mouvement de masse.

   Mais voyez comment les camarades posent le problème. Prenez par exemple l'intervention de Gallo sur le problème des formes de déso-rientation on dit: ici à Milan (lecture).

   Si je pose la question comme cela j'oriente le parti, on pourrait croi­re que les masses iront dans la rue sans que nous y soyons, ce n'est pas vrai. Qui conduira les masses dans la rue. C'est nous. Nous devons dire: les masses descendront dans la rue quand vous aurez fait telle ou telle chose. Et l'autre orientation est une orientation [...] qui peut faire dévier l'attention des camarades.

   Qu'est-ce qui fait dévier l'attention des camarades?

   Je suis d'accord de poser en liaison toujours au problème fonda­mental, la liberté de discuter la politique de Mussolini. Nous voulons dire notre opinion. Vous avez commis une erreur et avec cela, com­mencer à mener les bases du totalitarisme. Mais avec l'extension, nous allons avoir un mouvement qui prendra la forme politique. Dans cette mesure, nous pourrons parler du Front populaire, parce que les autres couches de la bourgeoisie verront qu'il y a un mouvement fortement influencé par nous, et nous pourrons parler comme en France.

   Une question avant de passer au problème d'organisation. Je crois qu'il faut accentuer la campagne internationale. L'isolement après le commencement de la guerre et des sanctions ont influencé fortement l'état d'esprit dans le pays. Voilà que le régime reconnu par tout le monde comme le plus fort, a tout le monde contre lui. Il faut exploiter cet état d'esprit, créer la panique et en même temps renforcer la cam­pagne internationale et réussir à faire une barrière autour de l'Italie.

   Problème d'organisation

   Sur la situation internationale, il y a aussi un élément nouveau, très important. Il y a une nouvelle couche de cadres du parti qui est en train de se former, qui est dans l'appareil du parti et qui est en grande partie composée de camarades sortis de prison, une couche d'éléments qui commencent à comprendre comment doit-on faire du travail de masse dans un régime de dictature, se lier avec les masses, les diriger sachent avoir une autorité et l'utiliser pour se mettre à la tête du mou­vement de masse pour la guerre. Qu'il y a-t-il encore?

   1) Cette couche est encore très limité; 2) cette couche est en grande partie très précaire, ce sont les instructeurs. Quelle est la situation des instructeurs dans le pays. Les camarades ont vu un instructeur illégal qui n'a aucune solidité dans sa situation.

   Manouilski: Combien de temps?

   5 mois. C'est déjà un grand progrès. Mais l'instructeur est le centre d'une série de liaisons très nombreuses: 5-10-15 et à l'extrémité, il y a plus d'éléments qui vivent légalement. Ce système doit être modifié. Voilà la tâche d'organisation principale, Comment modifier ce système. Il faut qu'à la place des instructeurs illégaux, il y ait des éléments com­plètement légaux. Comment y arriver? Comment arriver à cela? Il faut que lorsque des camarades commencent à faire un travail illégal l'instructeur fasse avec eux un travail particulier d'éducation politique et d'organisation de grandes possibilités tandis que vous n'avez pas de grandes possibilités de bouger dans le pays, il faut changer cette situa­tion et donner des capacités plus grandes aux camarades qui ont la possibilité et l'instructeur légal pourra se concentrer dans l'organisa­tion des cadres et dans l'organisation par l'intermédiaire des cadres locaux. C'est dans cette ligne qu'il faut s'orienter. Il y a déjà une orien­tation et dans cette ligne il faut trouver de nouveaux éléments. Je crois que dans la formation des cadres envoyés par l'émigration on est allé trop lentement au commencement, on a pas mobilisé tout ce qu'on aurait pu et je crois que les liaisons qu'on a maintenant - vous me per­mettez camarade Hermann - elle n'est pas ce que vous pensez, je con­nais le travail du parti communiste et je ne crois pas que nous puis­sions mobiliser ces éléments. A Milan nous avons 59 liaisons et lorsque nous pourrons en trois jours mobiliser nos liaisons à Milan, je dirais que notre parti est très avancé. Le problème n'est pas dans la quantité de jours que les lettres mettent pour arriver à l'intérieur du pays, le problème est dans la capacité de ces éléments d'orienter les éléments politiques dès qu'ils reçoivent les mots d'ordre, de savoir s'orienter en face des différentes manœuvres du fascisme. Une énorme lacune que le camarade Hermann a souligné c'est la campagne. Parmi les paysans nous n'avons presque rien dans toute l'Emilie, le Midi, la Sardaigne sont en dehors du travail du parti. Nous avons des observateurs, il faudra bien examiner la situation parce que la guerre c'est le paysan qui la fait, la grande masse des soldats sont des fils de paysans et c'est là où devons pouvoir travailler et diriger.

   Encore quelques autres problèmes. Nous ne sommes pas suffisam­ment enracinés dans l'organisation fasciste. Le travail de nos camara­des est basé sur des liaisons personnelles et des rendez-vous occasion­nels dans la rue. L'organisation fasciste n'a pas encore été prise par nos camarades comme centre de leur travail et comme le lieu qui peut leur donner la possibilité de faciliter le travail du parti, de le développer. Voilà une grande lacune. Le travail dans le Dopolavoro est trop peu développé. Il y a de grandes difficultés. Le travail dans les syndicats est plus difficile qu'auparavant.

   Leur mot d'ordre est pas de réunions syndicales, pas de discussion dans les cadres syndicaux, mais il y a toute une série d'organisations: Dopolavoro, organisations de la jeunesse, mutualités. Il faut organiser des cercles. Mais il en existe très peu dans ces organisations. En ce qui concerne la conservation des cadres, une observation, un problème que j'ai posé aux camarades auquel on ne peut donner de réponses suffisantes. Comment cela se fait-il, malgré les changements du travail du parti, les cadres de notre organisation tombent périodi­quement. Pourquoi il y a eu à Turin, au cours des deux dernières années, trois changements de structure, structure de 10-15 camarades liés avec les masses.

   Je crois qu'il y a même de la part des instructeurs un défaut qui doit être corrigé par une action générale. Qu'est-il arrivé après 1932, lors de nos grandes chutes? Nous avons pris des mesures de conspiration, etc., au centre. En ce qui concerne les instructeurs, nous avons obtenu des résultats.

   Le rapport qui a été fait sur les questions d'organisation au Comité central souligne ces résultats. Mais cette amélioration n'a pas encore été portée par les instructeurs à la base même du parti. Et camarades c'est encore à peu près la même situation qui existait en 1932 et avant. Les camarades instructeurs de Turin ne sont pas sortis, ils nous disent nous avons travaillé pendant 6 mois, nous avons travaillé avec 20 cama­rades. Il y en 2-3 qu'il faut mettre de côté. Si on avait fait cela à temps, on aurait sauvé les autres. Chaque instructeur reprend le travail avec 10-20 liaisons nouvelles. Cela démontre des possibilités nouvelles, mais cela démontre que nous réussirons à avoir une continuation dans notre travail.

   Je crois que tous ces problèmes devront être examinés ici avec attention.

   J'ai voulu faire de l'auto-critique qui manquait dans les rapports. Il y a d'autres questions particulières qu'il faudra voir. Je crois que les dirigeants de l'Internationale devront nous apporter leur aide. C'est avec leur collaboration que nous pourrons donner une ligne juste au parti pour résoudre ces questions.

   Encore une observation. Il faudrait que le Bureau prenne quelques mesures pour les camarades qui sont ici - 3 sur 7 donneront leur colla­boration au travail de direction du parti et de détermination de la ligne politique. Par exemple prenons le manifeste du parti qui a été fait, le Bureau a fait très bien, il a envoyé le projet et nous avons pu faire un grand travail ici sur ce document. Nous avons contribué à rendre un bon travail. Maintenant, il y a une situation nouvelle, mais il aurait dû faire la même chose pour les documents fondamentaux du parti. Ce n'est pas un délai de 8-10 jours qui décide, même la réunion du Comité central. Si l'on avait su, nous aurions pu apporter une plus grande col­laboration. Je crois que dans cette direction, les camarades devront nous apporter une plus grande collaboration.

Note

[1] Togliatti si riferisce qui alla guerra d'Etiopia iniziata tre mesi prima (NdR)